Champignons du Jura : les conseils d’un pro

Dans le Jura plus qu’ailleurs, la cueillette des champignons occupe une place privilégiée dans le calendrier des activités préférées des Jurassiens. Le halo de mystères qui flotte sur ces sorties ancestrales est savamment entretenu ; aux questions du néophyte aucune réponse réellement complète n’est donnée ; seuls les clins d’œil s’échangent au grand jour, surtout pas les bons coins. Chaque Jurassien a les siens, bien entendu. Jura Tourisme ne vous les révélera pas, ne rêvez pas, mais Alain Lechartier, président de la Société Mycologique Jurassienne, vous prodigue quelques conseils très utiles…
Alain Lechartier © Société Mycologique Jurassienne

Quel équipement pour aller cueillir des champignons ?

L’essentiel est d’être à l’aise. On opte donc pour vêtements légers et souples, en plusieurs couches pour s’adapter au froid ou au chaud, et éventuellement imperméables si le ciel menace. Le pantalon est cependant de rigueur, il vous protégera des tiques* et des griffures. De bonnes chaussures de marche vous éviteront les entorses et les glissades et un gilet fluorescent vous permettra d’être visible de loin. Un chapeau ou une casquette peut éventuellement compléter votre tenue.

Côté matériel, faites dans le simple également : un panier (en osier, c’est très chic), que vous prendrez soin de tapisser de mousses récoltées à l’entrée de la forêt ; un couteau à lame fine et bien longue pour déterrer le champignon en profondeur, et éventuellement une petite brosse souple pour épousseter vos fragiles trophées sans les abîmer. N’oubliez pas non plus une gourde d’eau pour étancher votre soif.

Où trouver des champignons dans le Jura ?

De la plaine aux montagnes, le Jura est un immense terrain de jeu mycologique. L’idéal est une forêt exploitée en « futaie jardinée », qui présente un bel équilibre entre feuillus et résineux, et plutôt lumineuse car les champignons adorent les bains de soleil. Les forêts domaniales ou municipales sont en libre accès. Les forêts privées peuvent faire ponctuellement l’objet d’interdiction de passage. L’essentiel est avant tout de respecter l’endroit et ne pas venir pour saccager… On a beau se croire seul dans la Nature, tout se sait asse vite dans les petits villages jurassiens… Le ramassage de détritus, si vous en croisez, est par ailleurs fortement conseillé.

Quelle quantité rapporter ?

La loi est formelle : pas plus de 2,5 kg par personne et par jour. Tout se ramasse, à votre discrétion et selon vos goûts. En revanche, la cueillette, la détention et le transport du Psilocybe semilanceata, le fameux « champi hallu » est strictement interdite. Ils se rencontrent plutôt en altitude, mais soyez vigilants malgré tout.

2,5 kg

maxi par personne

Comment chercher ?

La recherche de champignons est exigeante pour vos yeux, qui devront en permanence accommoder entre scruter le sol à vos pieds et discerner au loin d’éventuelles taches… Quelques minutes d’adaptation et de patience seront donc nécessaires. Les champignons aimant la lumière et l’humidité, il conviendra de chercher en priorité dans des parties bien éclairées et là où la végétation est basse : fougères, mousses, bruyères, herbes hautes, arbrisseaux… Et aiguisez vos sens ! un peu de relief sous des feuilles mortes, une légère odeur de pourriture, un peu d’humidité sur votre peau : soyez à l’affût de tous ces signes favorables… En revanche, oubliez les chablis et les ronces : vous n’y trouverez rien, à part quelques jolis petits fruits, mais ne les consommez surtout pas car ils peuvent être contaminés par le ténia du renard (échinococcose)… Dans le doute, abstenez-vous.

Comment cueillir les champignons ?

Ne surtout pas couper seulement le pied ! Il faut bien aller le chercher en profondeur.

Quand et quels champignons ramasser dans le Jura ?

Les clichés ont la vie dure : les champignons ne poussent pas qu’en automne ! La cueillette est possible toute l’année. L’heure de la journée n’influe pas non plus sur la présence ou la taille des champignons. La seule raison qui peut justifier de sortir tôt le matin est que vous arriverez avant tout le monde…

Ah, on y arrive enfin ! Dans le Jura, les espèces les plus courantes sont :

  • La Morille, le Graal du mycologue et du gourmet réunis. Elle se trouve en général entre la mi-mars et la fin mai.
  • Les cèpes ou bolets. Cette famille est tellement grande qu’on en trouve toute l’année.
  • Le Tricholome de la Saint-Georges, plus connu sous son nom de mousseron. Celui-ci se ramasse autour de la Saint-Georges, le 23 avril, mais on trouve ses cousins toute l’année.
  • Les Chanterelles en tube.
  • Les Girolles.
  • Les Pieds de mouton roux.
  • Les Trompettes des morts, dont le nom doit être rattaché à sa saisonnalité, vers la Toussaint, et surtout pas à sa toxicité supposée.

Attention danger !

Bien entendu, rien ne ressemble plus à un champignon sain qu’un champignon toxique… la prudence est donc de rigueur ! Parmi les espèces à fuir comme la peste figurent évidemment les Amanites. Elles sont toutes toxiques. Une seule est mortelle : l’amanite phalloïde. S’attaquant au foie et aux riens, elle est responsable de plus de 90 % des empoisonnements mortels en France. Elle apparaît en fin d’été jusqu'en automne. Son odeur est faible, voire absente. Son chapeau est vert olive pâle. Les lames sont bien blanches et nombreuses et libres. Le pied est blanc et cerné d’un anneau. La présence d’une volve blanche en forme de sac au pied est fondamentale pour permettre l'identification du champignon (il est donc important de bien déblayer autour du pied). Les spores colorent en bleu au contact d’iode et les lames de mauve ou de rose lorsqu'elles sont arrosées d'acide sulfurique concentré. Mais nous vous l’accordons, on part rarement aux champignons avec une flasque d’iode ou d’acide sulfurique…

Quoiqu’il arrive, si vous avez le moindre doute, ne ramassez pas ! N’allez pas non plus regarder vous-même sur Internet. En revanche, consulter un pharmacien peut constituer une bonne solution. On ne peut en tout cas que trop vous conseiller d’appeler directement Alain Lechartier au 06 07 55 39 58.

Idées de recettes de champignons

Croûte forestière à la Jurassienne

Pour 4 personnes

  • 200 g de champignons frais et si possibles cueillis par vos soins (cèpes, chanterelles, trompettes… voire morilles)
  • 1 oignon émincé
  • 4 gousses d’ail émincées
  • 3 cuillères à soupe d’huile d’olive
  • 30 g de beurre de Bresse AOP
  • 1 verre d’AOC Côtes du Jura cépage Chardonnay (voire de Vin Jaune)
  • 40 cl de crème de Bresse AOP
  • 4 tranches épaisses de pain complet
  • 50 g de beurre
  • Persil plat et estragon hâchés
  • Sel, poivre

Faire fondre 30 g de beurre avec l’huile d’olive dans une cocotte et y faire revenir l’oignon émincé quelques minutes. Bien laver et égoutter les champignons. Les tailler en morceaux ou les laisser entiers. Les ajouter dans la cocotte avec le vin et l’ail émincé. Assaisonner et laisser réduire à sec. Verser la crème, et laisser épaissir à feu doux.

Beurrer les tranches de pain et les faire rissoler à la poêle à feu vif. Une fois qu’elles sont bien dorées, découper un petit creux au centre. Dresser une tranche de pain par personne et les remplir avec les champignons à la crème. Ajouter les herbes et servir bien chaud. Déguster avec le même vin que celui utilisé dans la recette.

Aromate de champignons des bois

Si votre cueillette du jour se compose de champignons certes comestibles, mais sans intérêt gustatif, les faire sécher pendant 2 semaines dans un endroit frais et aéré (ou au four pendant 5 heures à 50°C), puis les réduire en poudre (au mixeur). Cet aromate maison sera votre plus fidèle allié pour parfumer de sous-bois la crème pour les pâtes, les potages, les risottos, les omelettes, les quiches et même les pizzas.